jeudi 24 novembre 2022

Compte-rendu Café littéraire # 54


Une bonne douzaine de lecteurs, dont quelques têtes nouvelles, se sont retrouvés à la Louisiane pour ce 54ème Café littéraire. Après un petit tour de table, afin que chacun se présente... 

Denis a souhaité commencer en nous parlant « bande dessinée » avec tout d’abord le dernier volume des Aventures d’Adèle Blanc-Sec de Jacques Tardi qui s’intitule Le bébé des Buttes-Chaumont , et qui serait l’ultime album de la collection. Grâce à Honoré Fia, son illustrateur de beau-frère, Adèle échappe au poison du Docteur Chou, qui transforme son prochain en bovin écervelé. Mais elle n’est pas tirée d’affaire pour autant, puisqu’un autre danger la guette : des clones explosifs qui lui ressemblent comme deux gouttes d’eau et se font sauter aux côtés de pontes du gouvernement pour lui faire porter le chapeau ! On y retrouve toujours les beaux décors de Paris, dessinés par l’auteur et mis en couleurs par un coloriste dont Denis souligne le talent. Il a également apporté le dernier opus des Aventures de Lucky Luke, L’arche de Rantanplan, que l’on doit au scénariste et dessinateur Jul, et qui selon Denis est le meilleur repreneur de cette série. En résumé, lorsqu'il intervient pour empêcher un lynchage, Lucky Luke ne se doute pas dans quelle situation il vient de se mettre. La victime, un certain Ovide Byrde, prône en effet une vie plus saine, végan et protectrice des animaux. Tout d'abord conquis par cette philosophie, le célèbre cow-boy découvre que lorsque Rantanplan met à jour un gisement d'or sur le terrain de Byrde, la situation dérape progressivement, amenant le gentil végan à s'imposer comme un tyran aux limites de l’extrémisme. On ne peut ainsi pas éviter de penser aux débats actuels sur la consommation de viande qui amènent les camps à s'affronter, parfois même violemment, prônant une intolérance réciproque.

Christine a lu un livre paru en 2013, Cancer, guérir tous les malades de Laurent Schwartz, un cancérologue qui sort des sentiers battus. Selon lui, le cancer est « probablement » métabolique, provoqué par un dysfonctionnement des cellules. Mais la poursuite de ses recherches se heurte au refus de l’institution médicale. Il aurait sorti un autre livre depuis, Cancer, un traitement simple et non toxique. C’est du premier dont nous parle Christine, l’intérêt du livre est que ce médecin, un peu alternatif, a réussi à expliquer avec des mots simples le processus de la maladie. Il a analysé les causes de l’échec de la lutte contre le cancer depuis 50 ans et explore de nouvelles voies de traitement. Les premiers résultats expérimentaux s’annoncent extrêmement encourageants, offrant un espoir véritable mais difficile à faire admettre auprès d’une communauté scientifique et médicale naturellement conservatrice et peu encline aux révolutions. Après avoir lu ce livre, la maladie est démystifiée. 

Avant de présenter mon livre, je me fais l’interprète de Joël qui a déménagé à Colmar, mais qui souhaite rester adhérent de notre association et continuer à nous envoyer des comptes-rendus. Dans les rayons de la bibliothèque de Colmar, il a aperçu un livre pour lequel il avait lu de bonnes critiques. Il s’agit du livre Dire  d’Emmanuel Chaussade. Il l’a trouvé excellent par cette soif de vérité qui parcourt tout l'ouvrage.  Emmanuel Chaussade ne cache rien : son enfance maltraitée (son père le frappe très fréquemment), son désir de devenir danseur puis son entrée à l'Ecole des Beaux-Arts, ses réussites et ses échecs dans le monde de la mode. Sans être vulgaire son homosexualité est décrite sans filtre. Un univers de « vautours nauséabonds » malgré quelques belles rencontres. Ses séances de psychanalyse qui dureront quinze ans sont largement évoquées. Le roman est très incisif, percutant, indiscret, mais terriblement humain. La fin est stupéfiante. Joël le recommande à ceux qui aiment la profondeur psychologique de l'analyse de nos vies. C'est très bien écrit et décrit. Très psychanalytique et revendiqué comme tel. "Dire blesse mais ne tue pas. Les mots peuvent briser un enfant, ravager un adolescent, dévaster un homme. Dire les mots à bras-le-corps pour donner du sens à sa vie " E. Chaussade. Un bel ouvrage à découvrir.....ou pas. 

J’ai souhaité parler d’un livre de Valentine Goby, une auteure que j’apprécie énormément. Elle a pour habitude de s’inspirer d’histoires vraies, mais ce livre a été écrit pendant le confinement, dans un contexte différent. L’île haute est un récit initiatique, où l’on découvre Vadim Pavlovich, 12 ans, fils de cordonnier parisien, gamin des Batignolles qui quitte Paris. Il est envoyé à la montagne pour soigner son asthme. Endossant le nom de Vincent Dorselles, il découvrira la montagne, à la frontière suisse, armé d'un nouveau nom et d'un costume neuf.  L’auteure a puisé dans ses souvenirs de vacances passées à la montagne, pour en faire un roman ressourçant, dépaysant et émouvant, une ode fascinante à la beauté de la Nature, au fil des saisons. Mais c’est aussi un hommage aux Justes et à tous ceux qui ont aidé les personnes juives pendant cette période de l’Histoire. je n'aurai qu'un mot "Magnifique" ! 

Jean-Daniel a été très intéressé par le livre d’Emmanuel Carrère V13, nom de code du procès des attentats terroristes qui, le vendredi 13 novembre 2015, ont causé 130 morts. Il s’agit du récit des dix mois qu’il a passés en tant qu’observateur au procès, pour des chroniques quotidiennes dans le journal l’Obs. Un procès hors normes avec 14 accusés, 1 800 parties civiles, 350 avocats, un dossier haut de 53 mètres. L’auteur a rassemblé ces chroniques dans ce livre. Jean-Daniel l’a trouvé extraordinaire, pour un procès qui l’est lui-même et qui sera sans doute unique. On y découvre par exemple cette fille qui a hébergé la cousine du coordinateur des attentats, et qui va le dénoncer. On a voulu la mettre en prison, mais on l’a épargnée, elle vit actuellement sous une fausse identité, en danger perpétuel, elle qui a empêché d’autres attentats dans les jours qui ont suivi. Très intéressant… Autre titre Les femmes de porcelaine de Virginie de Clausade et Elodie Hesme, un livre écrit à quatre mains, qui mêle histoire et romance pour conter la révolte des ouvrières de l'usine de porcelaine Haviland de Limoges en 1905. Jean-Daniel a vérifié, tous les faits relatés sont avérés, un fait social méconnu remis en lumière. 

Françoise nous a apporté trois livres assez courts, le premier Les passeurs de livres de Daraya de Delphine Minoui que l’on peut résumer ainsi, face à la violence du régime de Bachar al-Assad, une quarantaine de jeunes révolutionnaires syriens a fait le pari insolite d'exhumer des milliers d'ouvrages ensevelis sous les ruines pour les rassembler dans une bibliothèque clandestine, calfeutrée dans un sous-sol de la ville. Un livre très poignant qui montre l’importance de la lecture. De quelques frontières de Philippe Claudel propose une réflexion sur la frontière qui commence par l'exploration de sa géographie personnelle et résonne avec l'actualité. Un petit livre à découvrir qui parle à chacun, car on a tous nos frontières, et colle parfaitement à la conjoncture actuelle. Le troisième livre a été acheté par Françoise dans une foire aux livres, dans le but d’en arracher des pages pour ses ateliers d’écriture. Mais avant elle a tenu à le lire. C’est ainsi qu’elle a découvert Va où ton coeur te porte de Suzanne Tamaro. Une grand-mère décide d'écrire des lettres à sa petite-fille exilée aux Etats-Unis avec qui elle est en conflit. Dans cette parcelle d’elle-même, elle lui parle de sa vie, de sa jeunesse, elle lui confie son histoire d’amour, les choix qu’elle a dû faire et les conséquences s’y rattachant. Au début, ça paraît mièvre, ce n’est pas de la grande littérature, mais ça peut parler à chacun d’entre nous. 

Jeanine a été un peu déçue par La vie mensongère des adultes d’Elena Ferrante, un livre qu'Edith nous avait présenté avec enthousiasme il y a un an et demi. Elle a ressenti la même chose que pour L’amie prodigieuse, le premier tome, elle avait aimé, mais beaucoup moins la suite. Même chose pour ce livre, elle a apprécié la première moitié, mais après on a l’impression qu’elle se débarrasse de ses romans, que c’est bâclé. Jeanine préfère nous parler d’un petit livre qu’elle a retrouvé dans sa bibliothèque et qui s’intitule La colère des aubergines, écrit par une Indienne Bulbul Sharma, un recueil de douze magnifiques récits pleins de saveurs et d'odeurs délicieuses et d'une vingtaine de recettes. Au fil de ces histoires, le lecteur comprend l'importance et le rôle déterminant de la nourriture et des femmes qui la préparent. Souvenirs d'enfance, secrets de famille, tradition, religion, cuisine... petit à petit l'Inde se dévoile. Des odeurs subtiles de mangues, de currys, d'aubergines frites et de gingembre nous attendent au détour de ces pages, c'est un pur moment de plaisir ! Mais c’est aussi habilement écrit, car ce livre est un prétexte pour parler de la condition terrible des femmes en Inde. 

Noëlle avait entendu beaucoup de bien de Virginie Grimaldi, l’auteur la plus lue en France durant ces deux dernières années, elle a donc choisi Les possibles, qui lui a plu, mais qui change de ce qu’elle lit habituellement se terminant généralement bien. C’est l’histoire de Juliane qui n’aime pas les surprises. Quand son père fantasque vient s’installer chez elle, à la suite de l’incendie de sa maison, son quotidien parfaitement huilé connaît quelques turbulences. Elle va vite s’apercevoir qu’il est atteint par la maladie d’Alzheimer, un véritable chamboulement pour la petite famille bien tranquille. Un mélange de joie, ponctué d’humour, beaucoup d’amour, quelques pincements au cœur, telle est la recette magique de l’autrice pour séduire ses lecteurs. Autre livre Si la vie te donne des citrons, fais-en une tarte meringuée, de Charlotte Léman, Clémence chérit l'existence tranquille qu'elle s'est construite : une vie de couple paisible, un fils adorable et un travail d'assistante dont elle connaît tous les rouages. Son petit monde s'effondre le jour où son mari la quitte pour une femme plus jeune. Clémence va devoir choisir : désespérer ou reprendre sa vie en main. Cette épreuve pourrait bien être l'occasion d'une revanche... Noëlle a jubilé en découvrant qu’elle s’est vengée…

Rosemay nous retrouve après quelques années d’absence. Elle a lu Trois de Valérie Perrin, livre déjà présenté ici l’année dernière, ce qui l’a touchée c’est cette histoire d’amitié très forte, qu’elle vit également avec deux amies. En parlant de « maladie d’Alzheimer », fléau qui touche énormément de familles, elle repense à un livre de Mélissa Da Costa qui s’intitule Tout le le bleu du ciel, "Petitesannonces. fr : Jeune homme de 26 ans, condamné à une espérance de vie de deux ans par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) pour partager avec moi ce dernier périple". Emile a décidé de fuir l'hôpital, la compassion de sa famille et de ses amis. A son propre étonnement, il reçoit une réponse à cette annonce. Trois jours plus tard, devant le camping-car acheté secrètement, il retrouve Joanne, une jeune femme coiffée d'un grand chapeau noir qui a pour seul bagage un sac à dos, et qui ne donne aucune explication sur sa présence. Ainsi commence un voyage stupéfiant de beauté. A chaque détour de ce périple naissent, à travers la rencontre avec les autres et la découverte de soi, la joie, la peur, l'amitié, l'amour qui peu à peu percent la carapace de douleurs d'Emile. Un roman empreint de belles émotions… 

Catherine nous parle du dernier livre de Delphine de Vigan Les enfants sont rois, déjà évoqué par Isabelle lors du 50ème Café littéraire. En filmant tous les jours ses enfants pour sa chaîne Youtube, Mélanie Claux n’a qu’un but : montrer à tous ses followers son bonheur familial. Boostée aux likes, droguée aux commentaires, la jeune femme dispense des conseils comme la mère modèle qu’elle est persuadée d’être.  Cette vie de rêve, Mélanie l’a bâtie pour sa famille à coup de vidéos, de photos, de stories instagram et de sondages. Si Mélanie s’éclate dans ce qui est devenu une activité très lucrative pour elle et sa famille, les enfants eux s’épuisent à suivre ce rythme effréné. Jusqu’au jour où tout explose. Fini le rêve éveillé, place au cauchemar filmé en direct. Delphine de Vigan s’empare une nouvelle fois d’un sujet de société, un sujet bien plus grave qu’il n’y paraît. Très intéressant ! 

Gilles, dont c'est le premier Café littéraire, a apporté deux livres. Le premier de Malika Ferdjoukh, Broadway limited, un livre plutôt destiné aux adolescents, lui a été prêté par sa petite-fille. Dans l’immédiat après-guerre, le jeune Jocelyn quitte la France pour New-york dans l’intention d’y passer un an. Il se retrouve dans une pension pour jeunes filles car pour les Américains, Jocelyn se prononce Jocelyne. Et les jeunes filles en question sont d’enthousiastes demoiselles entre 18 et 25 ans, qui se rêvent danseuse ou actrice, et qui en attendant enregistrent des publicités pour des soupes ou des shampooings… Une série en trois volumes où l’on découvre des personnages devenus très célèbres depuis. Gilles nous les conseille, il a passé un très bon moment. Passons au livre de Timur Vermes Les affamés et les rassasiés, ou quand une émission de télé-réalité allemande déclenche la mise en marche de 150.000 réfugiés jusqu’alors parqués dans un immense camp quelque part dans le désert africain ! 15 km par jour, à pied, tous les jours, vers une Allemagne qui, à l’instar de l’Europe entière, a pourtant fermé ses frontières et paye l’Afrique du nord pour justement empêcher l’entrée de réfugiés sur son territoire… Une lecture amusante donc grâce à un ton (faussement) léger, mais une intrigue qui n’en reste pas moins violente, il a beaucoup apprécié ce livre. 

Isabelle a voulu relire la grande Annie Ernaux qui vient d’obtenir le Prix Nobel, et en particulier L’événement, l’occasion d’un banal examen dans un cabinet médical replonge la narratrice plus de trente ans en arrière, en janvier 1964, au moment de son avortement clandestin. Si le souvenir apparaît lointain, l’événement n’en est pas moins indélébile. A la fois égarée et démunie, pendant deux mois, la jeune femme d’alors a caché sa grossesse, à ses parents comme à ses amis proches, cherché désespérément une « faiseuse d’anges ». Ce récit autobiographique rappelle une société engoncée dans ses principes, ses tabous et ses préjugés de classe, en même temps qu’il révèle un événement vécu comme une initiation. Bouleversant ! Isabelle termine sur un livre de Laure Adler La voyageuse de nuit, un essai percutant, né d'une enquête de quatre ans auprès de célébrités et d'anonymes, dans les Ehpad et les hôpitaux, et d'une réflexion basée sur la littérature (Proust, Beauvoir, Ernaux) autant que sur une solide documentation. Ce moment situé entre le jour et la nuit, comme le début de la vieillesse, est à l'orée du grand âge et de ce qui nous fait si peur mais qu'on peut dompter en l'acceptant : la mort. Une réflexion intéressante. 

Enfin Danièle, qui nous rejoint elle aussi aujourd’hui, a été prise au dépourvu, elle nous promet un roman pour la prochaine fois qui se déroulera

 le Mardi 13 décembre à 19h30 à la Louisiane

Bernadette

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