mercredi 18 octobre 2023

Café littéraire # 60

Après deux mois de vacances, c’est avec plaisir que nous nous sommes retrouvées (eh oui nous étions 11 femmes) pour parler de nos lectures estivales. Nous souhaitons bon rétablissement aux messieurs que nous espérons retrouver bientôt en forme. 

Isabelle
a lu quelques livres dont on avait parlé lors de nos réunions, mais aujourd’hui elle va nous présenter un livre qui n’est pas récent, sorti du grenier de la tante d’une amie, il s’agit du roman de Jacques Lanzmann, Le têtard, paru en 1976, un roman autobiographique qui raconte l’histoire d’un vrai poil de carotte ballotté dans les tempêtes d’une famille dingue, puis dans le tourbillon de l’Histoire, la guerre, l’Occupation et la Résistance en Auvergne. C’est assez cru, mais bouleversant, car c’est la réalité de son enfance et de son adolescence. Autre lecture passionnante, La Tresse de Laetitia Colombani, un grand classique que beaucoup d’entre nous ont lu, et qui va faire l’objet d’un film qui sortira en novembre. C’est l’histoire de trois femmes aux prises avec une société inégalitaire et patriarcale : Smita, l’Intouchable indienne, Sarah, l’avocate canadienne, et Giulia, la tresseuse sicilienne. Ces trois destins, en apparence isolés, forment ensemble une tresse, car leurs vies sont liées, comme on le découvre au fil du roman. Trois femmes qui se battent contre l’injustice et triomphent malgré tout de l’adversité. Un livre qui ne laisse pas indifférent… 

Fabienne nous a apporté une BD, elle qui n’en lit jamais a fait exception, son frère lui a mis dans les mains avec ordre de la lire. Et il a bien fait ! Le monde sans fin de Jean-Marc Jancovici pour le scénario et Christophe Blain pour le scénario et les dessins, la rencontre entre un auteur majeur de la bande dessinée et un éminent spécialiste des questions énergétiques et de l'impact sur le climat a abouti à ce projet. Une nécessité de témoigner sur des sujets qui nous concernent tous. Intelligent, limpide, non dénué d'humour, cet ouvrage explique sous forme de chapitres les changements profonds que notre planète vit actuellement et quelles conséquences, déjà observées, ces changements parfois radicaux signifient. Un album extrêmement instructif et passionnant. Très dense, documentée et argumentée, cette BD fait réagir sur un sujet terriblement d’actualité : l’utilisation des énergies à travers le monde, les enjeux économiques et les conséquences climatiques. C’est intelligemment amené, de manière non culpabilisante, avec une petite pointe d’humour, et ça pousse à réfléchir. 

Martine nous parle du roman d’Haruki Murakami, Le meurtre du commandeur, en deux volumes, avec du surnaturel, ce qu’elle n’aime pas beaucoup, donc elle l’a abandonné, puis repris, c’est quand-même prenant. Le narrateur est un peintre que sa femme vient de quitter. Il trouve refuge dans une maison isolée dans la montagne, qui a appartenu à un peintre célèbre. Dans le grenier il trouve une toile emballée, le Meurtre du Commandeur. Parallèlement, des événements étranges surviennent : il entend des bruits de clochette la nuit, il rencontre un mystérieux voisin qui lui demande de faire son portrait... Un jour, le Commandeur du tableau lui apparaît. Il mesure 60 centimètres et c’est le début d’un parcours initiatique, étrange et inquiétant, qui va confronter le héros aux obsessions de Murakami : l’art, la solitude, la transmission, la fragilité. Un peu dur pour Martine, qui est contente d’être arrivée au bout malgré tout. Passons à l’éblouissement de son été, La folle allure de Christian Bobin, Lucie aime les loups, choisir son prénom et en changer à sa guise, et fuguer tandis que ses parents, circassiens, s'efforcent toujours de la retrouver et de la ramener dans leur foyer ambulant. La folle allure raconte Lucie, et Prune, et Marilyn, toutes celles qu'elle est, alors qu'elle sillonne les routes dans la plus folle liberté. Un livre merveilleusement servi par l’écriture si poétique de Christian Bobin. C’est magnifique, à lire absolument ! 

Catherine a apporté un roman de Lionel Shriver, intitulé A prendre ou à laisser, une réflexion sur la fin de vie. Après avoir soigné et enterré son père atteint de la maladie d’Alzheimer, Kay et son mari, la cinquantaine, nouent un pacte, ils partiront ensemble le jour de leurs quatre-vingt- ans. Le temps passe et voici qu'arrive la date fatidique. Une date, douze possibilités et une conclusion : dans la vie, tout est à prendre ou à laisser... Hilarante et touchante, une œuvre explosive doublée d'une réflexion mordante sur notre rapport à la vieillesse et sur l'art délicat de préparer sa sortie. Les vingt premières pages du roman nous avertissent avec force détails des incontinences et démences du père de Kay. Cela achève de nous convaincre que mourir dans la dignité est un droit, sinon un devoir. A méditer, alors que cela fait toujours débat dans notre pays. 

Christine le dit elle-même, elle a lu comme d’habitude des livres de développement personnel, mais elle ne nous en parlera pas, car elle pense que nous sommes un peu réfractaires, pas forcément… Elle a lu également Trois, dont nous avons déjà beaucoup parlé et qu’elle a apprécié, et elle va nous parler d’un livre sociologique, La faute à Rousseau d’Eric Naulleau. L’auteur a une dent contre la députée Sandrine Rousseau, il nous montre que le « rousseau­isme » est un sectarisme aux relents totalitaires : il déconstruit la déconstructrice à partir de l'analyse serrée de ses propos, de ses écrits politiques et même de son unique roman : La reine est nue.  C’est très bien écrit et c’est plein d’humour. Avis aux amateurs ! 

Chantal a plusieurs livres à nous présenter, pas vraiment drôles, précise-t-elle, alors commençons par Une fille dans la jungle de Delphine Coulin. La jungle, c’est Calais, cette jungle qui avait été un chaos où des milliers de personnes vivaient, mangeaient, parlaient, se battaient, était devenue un désert, où ils étaient seuls, tous les six, des enfants et des adolescents entre 8 et 17 ans. L’auteur nous livre ici et là des bribes du passé de chacun d'eux et du périple qu'il ont dû enduré pour atteindre la France. Les garçons ont fui leur pays en guerre, les filles ont refusé de se marier de force ou de se prostituer. C'est un livre sur la détresse et sur le désir de liberté. Le second livre Artifices de Claire Berest, la sœur d’Anne Berest, auteur de la carte postale, est une histoire intrigante, avec des personnages très différents et qui pourtant ont un lien. C’est une danse éperdue, où les personnages se croisent, se perdent et se retrouvent, dans une enquête haletante qui voit sa résolution au fil des chapitres. Un livre très prenant… Le dernier, Chantal l’a acheté à Chamonix, où il y avait un rayon de livres sur la montagne, elle a donc choisi Ravage de Ian Manook. L’histoire d’une traque menée par des hommes armés, des chiens et même un avion dans le grand Nord canadien durant l’hiver 1931. Ce roman est inspiré d’un fait divers, ils vont traquer pendant six semaines, par moins 40 degrés Celsius, ce trappeur, ce fugitif qui aurait eu la malchance de tomber au mauvais moment en profitant, d’après certains, des pièges qui n’étaient pas à lui. Un prodigieux roman noir sur fond blanc ! 

Cet été Jeannine a lu Kasso, livre d’un auteur bisontin qu’elle adore, Jacky Schwartzman. C’est très bien écrit, très bien construit, elle a beaucoup ri. Kasso, c’est le sosie de Mathieu Kassovitz, ça se passe à Besançon et ça change tout quand on connaît la ville. Après des années d'absence, Jacky Toudic est de retour à Besançon pour s'occuper de sa mère malade d'Alzheimer. Les vieux souvenirs et copains resurgissent. Les vieux travers aussi. En effet Jacky ne gagne pas sa vie comme les honnêtes gens. Son métier : faire Mathieu Kassovitz. Ça se lit vite et c’est très drôle. De quoi passer un bon moment. Jeannine a lu Trois de Valérie Perrin que nous avions déjà présenté et elle a beaucoup aimé. Petite anecdote « people », en juin dernier Valérie Perrin a épousé Claude Lelouch. Une amie a prêté à Jeannine L’ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon, sorti en 2001, un roman foisonnant qui part dans tous les sens, mais qu’on ne peut lâcher. L’histoire est centrée sur un jeune garçon prénommé Daniel Sempere. Le père de Daniel, propriétaire d'une librairie, décide un jour d'emmener son fils au cimetière des livres oubliés. Daniel choisit un roman intitulé L'Ombre du vent, écrit par un certain Julian Carax que l'on croit mort. Le roman passionne le jeune homme qui va chercher à en savoir plus sur le contenu du livre, mais également sur son auteur. Dans sa quête, Daniel fera des rencontres surprenantes qui changeront sa vie à jamais, dans la Barcelone de l'après-guerre civile. Un livre que l’on n'oublie pas !

Françoise, souhaite nous parler de trois livres, tout d’abord un ouvrage qu’elle a trouvé dans une boîte à livres, A la ligne de Joseph Ponthus, un premier roman qui nous livre une sorte d’autofiction où il raconte son expérience dans les usines bretonnes. C’est l’histoire d’un intellectuel qui travaille en région Parisienne et qui décide de tout quitter pour vivre avec celle qu’il vient de demander en mariage, en Bretagne, le portrait d’un homme qui fait ce qu’on appelle un travail alimentaire, dans l’agroalimentaire, justement. Il y fait de belles rencontres, il trime, il souffre, il crie, il chante. Ils chantent, toute la journée, ces travailleurs de l’ombre, dans la pénombre, qui brisent leurs os au travail. Un témoignage remarquable, mais effrayant… Françoise a trouvé dans cette même boîte à livres une écrivaine qu’elle connaissait de nom, mais dont elle n’avait jamais rien lu, Selma Lagerlof et son livre Le violon du fou, livre de 1899 réédité en 2006. Beaucoup de merveilleux, de surnaturel dans ce livre qui raconte l'histoire d'un jeune étudiant qui passe son temps à jouer du violon. Mais lorsqu'il apprend que sa mère est endettée et son domaine sur le point d'être vendu, il entreprend de gagner de l'argent dans l'élevage et la vente de chèvres. Opération qui tourne à la catastrophe et le pousse aux portes de la folie. le jeune homme devient alors colporteur. Parallèlement on suit l'histoire d'Ingrid, une jeune orpheline entraperçue alors qu'il était étudiant. Entre les deux jeunes gens , un lien puissant et surnaturel les unit. Pourront-ils se retrouver ? L'amour pourra -t-il triompher ? Un livre assez déstabilisant, mais qui mérite d’être lu. En ce moment Françoise lit Erri de Lucca, un auteur qui écrit remarquablement bien, elle a terminé Acide, arc-en-ciel et a commencé En haut à gauche, un recueil de nouvelles, elle nous en parlera peut-être plus longuement la prochaine fois. 

Rosemay nous a apporté deux ouvrages, tout d’abord Les femmes du bout du monde de Mélissa Da Costa, elle a moins accroché qu’aux autres livres de l’auteur. Dans la région isolée des Catlins, en Nouvelle-Zélande, Autumn et sa fille Milly s'occupent du camping Mutunga o te ao, qui signifie le bout du monde en maori. Au cœur d'une nature sauvage et luxuriante, elles accueillent Flore, Parisienne à la recherche de rédemption. Les trois femmes apprennent à se connaître, à s'aimer et à faire la paix avec leur passé. De belles descriptions de paysages et beaucoup d’humanité dans ce livre. Rosemay adore Maud Ankaoua, et nous parle de son dernier livre, Plus jamais sans moi, un roman qui fait du bien. Constance, avocate, obtient le poste qu'elle espérait dans un cabinet d'élite. Pourtant, proche de la quarantaine, elle se sent vulnérable et peu sûre d'elle. Elle est follement éprise de Lucas et attend que celui-ci tienne sa promesse et quitte sa femme. Mais une fois son contrat signé, elle entame une période d'essai peu conventionnelle qui bouleverse sa vision d'elle-même et de l'amour. Un récit qui met la quête du bonheur au cœur des expériences les plus inoubliables. 

Quant à moi, je souhaite parler d’un livre que l’on m’a offert, et qui m’a bouleversée. Le gosse de Véronique Olmi raconte le parcours d’un gamin orphelin, placé par l’État dans une famille paysanne en Picardie, puis envoyé à la Petite Roquette suite à des tentatives de fugues, et enfin placé à Mettray dans ce qu’on peut appeler un bagne pour enfants. La plume de Véronique Olmi est incisive, juste et riche. Elle décrit bien la réalité de ces enfants soumis à l'Assistance publique durant l'entre deux guerres. Un roman vrai et bouleversant sur un pan très sombre et méconnu de notre histoire. Comme j’aime beaucoup Valérie Perrin et que je n’avais pas lu son premier roman, Les oubliés du dimanche, c’est chose faite. Justine, 21 ans, vit chez ses grands-parents, suite à la perte de ses parents dans un accident. Elle travaille dans une maison de retraite, et elle recueille les confidences des personnes âgées, en particulier celles d’Hélène, qu’elle va coucher sur le papier pour pouvoir lui relire, afin qu’elle n’oublie pas sa vie. C’est plein d’humanité, et très émouvant. Cette fois j’ai lu ses trois romans, j’attends le quatrième... 

Bernadette


 Le prochain rendez-vous est fixé au Mardi 7 novembre 2023 à 19h30 à la Louisiane