Christine a ouvert la soirée en nous présentant un livre de Muriel Pactat intitulé Le Portillon. Elle avoue avoir du mal à lire des romans, mais celui-ci elle l’a lu très vite, car il est très prenant. Une énigme très bien ficelée et il faut attendre la fin pour savoir ce qui s’est passé. En résumé, quoi de plus banal en apparence qu'un portillon ? Dans cette histoire, celui-ci représente la frontière entre deux mondes inconciliables. Pendant des années, cet accord tacite a été respecté. Pourtant, une nuit d'été 1970, les enfants du métayer bravent l'interdit. De cet acte anodin va découler une cascade de drames.. En fait, le livre traite de psychogénéalogie, c’est à dire le fait que des générations entières souffrent de secrets de famille et des comportements de leurs ancêtres. Muriel Pactat, romancière depuis plus de trente ans, psychologue, aime décrire les méandres de la vie de ses personnages, le paradoxe des sentiments. Visiblement, elle a créé sa propre maison d’édition.
Françoise revient sur le livre qu’elle avait commencé à nous présenter en janvier, et qu’elle nous recommande vivement. Les exportés de Sonia Devillers, livre où la journaliste raconte les circonstances historiques qui permirent à ses grands-parents, et à des milliers de Roumains, de quitter leur pays derrière le « rideau de fer ». Un pan de l’histoire ignoré et cruel qui montre avec quel cynisme on compare la vie d’un homme à sa valeur marchande, à combien de cochons peut-on évaluer la vie d’une famille… La Roumanie a produit beaucoup de viande de porc, mais tout partait à l’exportation, laissant la population sans rien. Les grands-parents de l’auteur faisait partie de la bourgeoisie et étaient juifs, mais non pratiquants et pourtant… Françoise l’a lu deux fois, elle qui a hébergé durant cinq ans une amie roumaine ne connaissait pas ces faits. On ne peut pas ignorer ce témoignage bien documenté, cependant âmes sensibles, s’abstenir ! C’est dur !
Catherine nous parle de deux livres, dans le premier Fille en colère sur un banc de pierre de Véronique Ovaldé, il est également question d’un secret de famille. Au large de la Sicile, la famille Salvatore ne passe pas inaperçue. Le père, passionné d’opéra, est un taiseux taciturne qui a marié une fille du cru, Sylvia, et lui a fait quatre filles. C’est le destin de ces quatre sœurs qui sert de trame au roman de Véronique Ovaldé. La Fille en colère sur un banc de pierre qui donne son titre au livre, c’est Aïda. Aïda la pestiférée, celle qui a quitté l’île pour vivre à Palerme. Cela fait 15 ans qu’elle n’a plus de nouvelles de la famille. Mais pourquoi est-elle partie ? Par le biais d’un narrateur omniprésent, la romancière décortique les relations familiales.
Une lecture intéressante et surprenante. Catherine passe au deuxième ouvrage, un roman dont elle est sûre qu’il a déjà été présenté ici, mais dont personne ne se souvient. Il s’agit d’un livre de Clara Dupont-Monot Le roi disait que j’étais diable, qui raconte l'union de la sulfureuse souveraine Aliénor d’Aquitaine et du pieux Louis VII, qui était moine et pas du tout préparé au pouvoir, c’est elle qui va prendre les choses en main. On a toujours une version des évènements vus par l’un ou par l’autre. Un livre tout en finesse qui se lit facilement.
Chantal a apporté deux livres achetés au Festival des Livres dans la boucle et dédicacés. Le premier d’Yves Ravey intitulé Taormina, a été nominé pour plusieurs prix littéraires. Melvil a décidé d'offrir à sa femme Luisa une escapade en Sicile. Son couple bat de l'aile, et il espère que ces vacances leur apporteront le calme et le repos dont ils ont tant besoin, et aboutira peut-être, qui sait, à une réconciliation. Arrivés à l'aéroport (première erreur), ils décident de quitter l'autoroute pour aller voir la mer. Sur le chemin, la voiture heurte violemment un obstacle. Melvil intime à sa femme l'ordre de rester dans la voiture, et ils reprennent la route. Mais très vite, l'évidence s'impose et un instinct de survie maléfique les pousse à tout faire pour maquiller leur crime. En se servant d’un style très lapidaire, ce roman bref (140 pages à peine), mais dense, nous tient en haleine jusqu'au dénouement incertain. Derrière le comportement délictueux du couple maudit, ce conte noir de « Taormine » met en lumière le peu d'humanité d'une société égoïste, incapable d'assumer ses responsabilités. Le second, un livre du metteur en scène Lucas Belvaux, Les tourmentés, son premier roman, raconte l’histoire d’une chasse à l’homme, au sens le plus littéral de l’expression. Une riche veuve demande à Max, son majordome, de lui trouver quelqu’un qui accepte, contre rémunération, d’endosser le rôle de cible humaine et de risquer sa vie pour son bon plaisir. Un roman dont la construction est parfaite, malgré un style très lapidaire, l’intrigue inattendue est pour le moins surprenante.
Après une petite pause café, Isabelle reprend le flambeau pour nous présenter Et mes jours seront comme tes nuits de Maëlle Guillaud, l’histoire d’amour d’un couple qui a vécu des choses très difficiles. Depuis trois ans, Hannah, tous les jeudis rend visite à Juan dans la prison où il est incarcéré. Durant le voyage, la jeune femme, flûtiste dans un orchestre, se remémore son passé avec son amant qu’elle ne cesse d’aimer malgré ses mensonges, sa trahison. C’est un incessant aller-retour entre le présent et le passé, entre l’idéalisation d’une relation et sa réalité. Petit à petit, se mélangent rêves, fantasmes et réalité pour plonger le lecteur dans l’univers d’Hannah qui confine à une sorte de folie. Mais un signe est là pour la sauver et pour qu’elle puisse continuer à vivre. Un livre bien écrit, très prenant, très intense, dont Isabelle ne nous révélera pas la fin. Maëlle Guillaud est éditrice et a fondé le prix Monte Cristo en 2019 en partenariat avec la maison d’arrêt de Fleury Mérogis. Ceci explique sans doute le sujet du livre… Isabelle nous parle du dernier livre d’Olivier Adam Dessous les roses, un roman en forme de pièce de théâtre en trois actes. Dans une unité de lieu, un pavillon de banlieue et une unité de temps, l'action se déroulant sur trois jours, c'est à une mise en abîme familiale qu'il nous est donné d'assister. Profitant de l’enterrement du père, trois frères et sœur vont se livrer à des règlements de compte dans un huis-clos perturbant.
Gilles veut nous parler de trois livres qui l’ont marqué, tout d’abord Beyrouth sur Seine de Sabyl Ghoussoub qui raconte l’histoire de ses parents libanais. Alors qu'en 1975 ces derniers décident de vivre à Paris pendant deux ans, le Liban sombre dans un conflit sans fin. Ils ne retourneront jamais y vivre. Le titre fait d’ailleurs référence au surnom qu’on donnait à Paris dans les années 80, lorsque la culture libanaise et arabe plus largement y était florissante. Ce roman a reçu le Prix Goncourt des Lycéens 2022. Gilles s’attendait à quelque chose de grandiose, mais il est un peu déçu. Il tient à nous parler d’un livre souvent évoqué ici, Petit pays de Gaël Faye, un petit chef d’œuvre que la plupart des personnes présentes ont lu, et qui reste dans les mémoires. Une écriture magnifique, pleine de poésie. D’ailleurs ce livre a fait l’objet d’une très belle adaptation cinématographique. A lire absolument ! Enfin un livre qui l’a bouleversé, Le don de Qâ de Jean-Michel Pasquet. Ce livre nous amène a nous demander « Qu’est-ce qu’on est par rapport à la nature ? Qu’est-ce qu’on fait pour elle ? » Au début, Gilles était un peu réticent car ça tient du fantastique, mais au final c’est surprenant, merveilleux, il a adoré !
Quant à moi je n’ai pas tellement lu ces temps derniers, n’étant pas très bien et ayant beaucoup d’occupations. Cependant j’ai quand-même dévoré ce pavé de 840 pages de Mélissa Da Costa que nous avait présenté Noëlle et que quelques personnes autour de la table avait lu avec plaisir. Il s’agit de Tout le bleu du ciel, ça se lit facilement, mais c’est une histoire très touchante que j’ai appréciée. J’avais lu il y a quelque temps S’adapter de Clara Dupont-Monod, un livre conseillé par Joël, il y a plus d’un an, également un très bel ouvrage, que j’ai trouvé très émouvant, et qui donne la parole aux frères et sœurs d’enfants handicapés, qui trouve chacun des réponses différentes face à ce problème. Pour terminer un livre que j’ai lu il y a déjà plusieurs mois Propriété privée de Julia Deck, j’en avais entendu parler et je l’avais noté dans mes livres à lire, je l’ai trouvé d’occasion en parfait état. Tout part du rêve français d’accéder à la propriété, et ce rêve devient réalité pour un couple de bobos parisien, les Caradec. Ils ont trouvé l’endroit idéal, en adéquation avec leur conscience écologique, et ont déménagé dans un écoquartier de banlieue, un ensemble de logements avec jardins, terrasses et panneaux solaires. Mais peu à peu le rêve devient cauchemar, les commérages circulent, la proximité se transforme en promiscuité étouffante et la vie de l’écoquartier ne ressemble plus du tout au vert paradis acheté sur plan. C’est le ton caustique qui fait la saveur de ce roman. La société, et particulièrement la classe moyenne supérieure, est observée par l’auteure avec une ironie sans pitié. Un livre pour passer un bon moment
Bernadette
Prochain Café littéraire le Mardi 4 avril à 19h30 à la Louisiane