mercredi 12 avril 2023

Compte-rendu Café littéraire # 57

Une dizaine d’habitués se sont retrouvés pour ce 57ème Café littéraire. Merci à Gilles qui a confectionné un excellent kuglof pour son anniversaire.

Après nous avoir brièvement relaté son intervention sur le fromage à la Médiathèque de Montbéliard, rencontre passionnante, Gilles souhaite nous parler de plusieurs livres, dont certains déjà présentés ici. Par exemple L’anomalie d’Hervé Le Tellier, qui a beaucoup divisé ceux qui ont tenté de le lire et ceux qui y sont parvenus, a séduit Gilles qui l’a trouvé très intéressant. Il revient également sur Les exportés de Sonia Devillers, présenté précédemment par Françoise, livre dont on ne sort pas indemne. Pour rester avec Hervé Le Tellier, Gilles poursuit avec Je m’attache très facilement, récit clinique de trois jours d’une Bérézina amoureuse. Un homme, bientôt atteint par la cinquantaine, décide de rejoindre en Écosse une jeune maîtresse. Sa visite, pour attendue qu’elle soit, n’est pas véritablement désirée. Un livre plus léger qui permet d’oublier tous ses problèmes. Il termine par L’homme peuplé de Franck Bouysse, un livre très poétique, mais dont il n’est pas sûr d’avoir tout compris. Deux fermes voisines dans un petit village de campagne. L’une est habitée par Caleb, un enfant du pays, dont la mère, Sarah, lui a toujours dit qu’il était différent des autres et qu’il avait hérité de son don. Que pour cette raison, il devait éviter les femmes pour ne pas attirer à lui le malheur. L’autre ferme vient d’être rachetée par Harry en quête de calme et d’inspiration pour pouvoir écrire un deuxième roman dont son éditeur attend depuis plusieurs mois le manuscrit. C’est une très belle histoire ! 

Fabienne a lu le dernier livre de Laurent Gounelle, Le réveil, Tom, un jeune ingénieur, se retrouve confronté dans son pays à une situation inquiétante qui sème la peur dans la population. Dans ce contexte inédit, des mesures sont adoptées par le pouvoir, contraignantes et liberticides. Cette situation n’est pas sans rappeler ce que nous avons vécu depuis la Covid. L’auteur a choisi d’écrire ce livre parce qu’il croit que, «dans le contexte qui est le nôtre actuellement, chacun est en droit de connaître les techniques de manipulation des masses auxquelles sont formés les puissants», à savoir les gouvernements et les multinationales qui avancent main dans la main. Fabienne a adoré ce livre. Elle tient également à nous parler d’un livre de Charlotte Link, Le péché des anges, Max et Mario, frères à la beauté angélique, sont absolument identiques – seule Janet, leur mère, parvient à les distinguer. Quand l'un des deux, atteint de troubles psychiatriques, doit être interné, Janet prend une terrible décision afin de protéger sa famille… mais qui pourrait également la détruire. Un livre qui n’est pas vraiment un polar, mais qu’on ne lâche plus tellement on a envie de connaître le dénouement. 

Jeanine s’est passionnée pour l’un des derniers livres de Caryl Férey, un auteur qu’elle affectionne particulièrement, intitulé Lëd, (signifiant glace) et où l’auteur nous entraîne au fin fond de la Sibérie, plus précisément à Norilsk, ville industrielle la plus septentrionale du monde, au nord du cercle arctique, qui bat régulièrement des records mondiaux de froid et de pollution. A la demande de son éditrice, alors qu’il préfère les pays où il fait chaud, il s’est rendu une première fois dans cette ville, qui lui a inspiré un récit de voyage « Norilsk » en 2017, puis il y est retourné pour produire ce polar paru en 2021. Il y a beaucoup de personnages, c’est très foisonnant, la vie y est rude, il y a des problèmes de corruption, d’alcoolisme, et pourtant ça se lit facilement, on fait la fête avec eux. Jeanine nous le recommande comme tous les livres de l’auteur, Paz, Mapuche, Zulu etc... qui sont très bien documentés et intéressants. Elle nous conseille aussi le dernier livre de Pierre Lemaître Le silence et la colère, peut-être moins bien que Au-revoir là-haut, mais à lire quand-même. 

Françoise nous parle d’un auteur qu’elle n’avait jamais lu, mais qui a écrit un nombre impressionnant de livres, Fouad Laroui, et plus particulièrement du livre intitulé Une année chez les Français, paru en 2010. Entre Le petit chose et le Petit Nicolas, ce livre raconte la première année scolaire de Mehdi au lycée français de Casablanca, le lycée Lyautey, et l’histoire émouvante et cocasse d’un enfant marocain propulsé dans l’univers sophistiqué d’un lycée international en 1970. Le jour viendra où l’enfant devra choisir entre le paradis qu’on lui promet et sa famille d’origine. Françoise a trouvé ce livre jouissif, avec tous les poncifs que l’on a sur l’éducation, sur l’école, c’est un bonheur ! Autre livre qui l’a littéralement bouleversée, Les tournesols ne fleuriront pas d’Odile Talon, une auteure locale. C’est l’histoire de centaines de paysans en France qui se voient spoliés de leur métier, de leur vie par l’intérêt économique au profit des grosses structures qui avalent tout et bénéficient de toutes les aides. Poignant, réaliste, écriture soutenue et très documentée, une vie quotidienne qui arrive au drame, prévisible. Merci Odile pour ce témoignage ! 

Pour ma part, j’ai lu deux livres déjà présentés, Dessous les roses d’Olivier Adam, que je venais de commencer lorsque Martine l’a présenté en février. C’est un auteur que j’aime beaucoup, ce n’est peut-être pas le meilleur de ses romans, mais j’ai bien aimé. Et Alabama 1963, un polar sur fond de racisme, présenté en septembre par Jeanine, genre de livre que je n’ai pas l’habitude de lire et pourtant je l’ai dévoré. Sinon j’ai apporté Grâce et dénuement d’Alice Ferney, un livre déjà ancien puisque publié en 2000. Il raconte l’histoire d’une famille de gitans installée en caravanes, dans un jardin désaffecté sans eau ni électricité, qui reçoit la visite d’une bibliothécaire venant faire la lecture aux enfants du campement. Un récit chaleureux mais réaliste, plein de vie et d'amitié, qui nous fait sentir toute l'humanité de ces familles, leurs rapports passionnés, leur fierté, leur extraordinaire appétit de vivre. Un très beau récit ! Et puis Grâce à Gabriel, d’un auteur bisontin Arnaud Friedmann, qui a été reçu à la Médiathèque de Montbéliard. Ce pourrait être le récit d'un fait divers en Alsace. C'est le questionnement de Michèle qui interroge son statut de mère et cherche à l'habiter. C'est aussi sa lutte contre une hérédité lourde à assumer et à repousser quand sa vie bascule un certain jour du mois d'août. L’auteur explore avec une minutie sans concession les frontières ténues de la folie chez des personnages fragilisés par la vie. C’est parfois pesant, mais ça interroge sur le deuil, la résilience, et c’est très bien écrit.

Christine a un livre à nous proposer La fabrique du crétin : vers l’apocalypse scolaire de Jean-Paul Brighelli. L'Ecole de la transmission des savoirs et de la formation des citoyens est à l'agonie. Elle accomplit aujourd'hui ce pour quoi on l'a programmée voici un demi-siècle : adaptée aux nécessités du marché, elle fabrique à la chaîne une masse de consommateurs semi-illettrés et satisfaits d'eux-mêmes. Soucieuse d'élaborer enfin l'égalité promise par la République en nivelant par le bas, elle a réussi à détruire ce que la France avait mis deux cents ans à élaborer. Plus de quinze ans après avoir prédit sa mort programmée, Jean-Paul Brighelli revient au chevet de l'Ecole et la trouve plus mal en point que jamais. Collège unique, "pédagogisme", méthode globale, regroupement familial, laïcité à géométrie variable... les causes sont nombreuses, et l'action de Jean-Michel Blanquer — dont il dresse aussi le bilan contrasté — n'a pu empêcher la déroute, surtout en temps de Covid. Aujourd'hui, l'Ecole est au pied du mur : elle sera "soit l'instrument d'une dissolution dans l'individualisme et le communautarisme, soit l'outil d'une résurrection". Est-il trop tard pour réagir ? Il a été enseignant et il a la dent dure, mais il est peut-être trop dans le « c’était mieux avant », alors que la société a beaucoup changé et que l’école doit s’adapter. La discussion fut riche et les avis partagés. 

Passons à Isabelle qui nous présente Le voyage d’Hector ou la recherche du bonheur de François Lelord. C’est un conte pour adulte, qui nous embarque avec Hector, un jeune psychiatre, dans un petit tour du monde. Lorsqu’il voit de plus en plus de patients malheureux sans raison apparente, il décide de partir en quête du secret du bonheur. Pourquoi les gens sont-ils heureux ? Comment devient-on heureux ? Des questions auxquelles Hector saura mieux répondre après une petite série de rencontres et d’aventures. C’est écrit de façon naïve, c’est bienveillant, il interpelle le lecteur. Au fur et à mesure de ses aventures, il écrit des petites sentences. 

Nous terminons avec Martine qui a apporté deux livres. Elle avait beaucoup aimé La décision de Karine Tuil qu’elle nous avait présenté l’an dernier et celui-ci s’intitule L’invention de nos vies, il est riche, bien documenté, il pose plein de questions, mais il se lit aussi comme un thriller. A travers les destins croisés et amoureux de trois amis, Samir Tahar, arabe, musulman, avocat, Nina, mannequin pour les magazines de vente par correspondance, et Samuel Baron, juif, écrivain raté, l’auteur nous entraîne dans un tourbillon de haine, de mal-être, de faux-semblants, de mensonges, d’ambitions, bref dans un petit bréviaire des plus sombres turpitudes de la nature humaine. Faut-il inventer sa vie pour réussir ? Jusqu'où le mensonge permet-il de conduire son existence ? Voilà quelques-unes des nombreuses questions posées par Karine Tuil dans cet excellent roman. Martine a choisi un livre à la bibliothèque, attirée par le titre La pluie avant qu’elle tombe de Jonathan Coe, où passé et présent s'entrecroisent autour de la vie de trois femmes: trois destins tragiques d'enfants mal-aimés qui, d'une génération à l'autre, infligent à leurs filles les mêmes souffrances. Toute l'originalité du livre est dans sa construction, une proche de la famille choisit vingt photos pour en faire la description, raconter l'histoire sur cassettes audio et la transmettre après sa mort. Un roman très touchant !  

Bernadette

Le prochain Café littéraire aura lieu le mardi 2 mai à 19h30