lundi 27 octobre 2025

Café littéraire # 74

Après l’Assemblée générale, nous étions encore une dizaine pour partager nos lectures.

Isabelle
a apporté deux livres, le premier La collision est un roman de Paul Gasner. En 2012, en plein centre-ville de Lyon, une femme décède brutalement, percutée par un jeune garçon en moto cross qui fait du rodéo urbain à 80 km/h. Dix ans plus tard, son fils, qui n'a cessé d'être hanté par le drame, est devenu journaliste. Il observe la façon dont ce genre de catastrophe est utilisé quotidiennement pour fracturer la société et dresser une partie de l'opinion contre l'autre. Il décide de se replonger dans la complexité de cet accident, et de se lancer sur les traces du motard pour comprendre d'où il vient, quel a été son parcours et comment un tel événement a été rendu possible. Un récit magistral sur les chemins du deuil et de la résilience. Quelques mots pour nous parler d’un livre de Katherine Pancol, paru en 1995, intitulé Vu de l’extérieur. Après une enfance difficile sous l’emprise d’un cousin, Doudou est en pleine crise existentielle. On vit de l'intérieur cette errance sentimentale, cette pagaille affective qui habite cette anti-héroïne. Elle est paumée, elle ne sait pas où elle va, ni qui elle aime vraiment. Résultat, elle occasionne pas mal de dégâts autour d'elle. Un roman qui sent le vécu, raconté de façon très étonnante. 

Danielle a oublié le sac avec ses livres, donc ce sera très bref. 

Françoise, exceptionnellement, n’a rien apporté non plus, car elle a passé beaucoup de temps à préparer ses ateliers d’écriture au détriment de la lecture. 

Gilles, que nous retrouvons avec bonheur après deux ans et demi de convalescence, est très heureux de se retrouver parmi nous. Il a pu se remettre à la lecture papier et nous présente plusieurs livres. Sur cette terre il y a ce qui mérite vie, un livre qui rassemble dix-sept contributions d’écrivains français, palestiniens ou franco-palestiniens. Pour donner voix aux victimes et ne pas garder le silence alors que Gaza meurt de faim. Pour exprimer l’indignation collective face au sort réservé au peuple palestinien. Pour affirmer, après Mahmoud Darwich, que « sur cette terre, il y a ce qui mérite vie. On l’appelait Palestine. On l’appelle désormais Palestine ». Gilles, en nous parlant de ce livre, souhaite mettre sa pierre à l’édifice pour sauver ce qui peut encore l’être là-bas, car tous les droits d’auteur sont reversés à Médecins du monde. Il souhaite ensuite nous lire un conte, Le paysan chinois et son cheval blanc, un conte zen de Lao Tseu qui appelle à la tempérance, à garder ses émotions sous contrôle, et surtout à se rappeler que nous n’avons pas de boule de cristal pour prédire l’avenir.  Gilles, qui a du temps à rattraper, va nous parler maintenant d’un auteur, Jan-Philipp Sendker, un écrivain né en Allemagne, et de son livre L’art d’écouter les battements du cœur, suivi d’un second Un cœur bien accordé, deux ouvrages pas du tout poétiques, mais très matériels. En 1995, perdue, dépaysée, Julia débarque de New York dans un village de Birmanie. Elle recherche son père, riche avocat d’origine birmane qui a brutalement disparu, et rencontre dans une maison de thé un vieux sage qui l’a connu. C’est très bien écrit, ça touche au plus profond, il dégage une humanité vibrante et une belle leçon de vie. La morale de toutes ces lectures, on ne sait pas de quoi demain sera fait, et Gilles est bien placé pour le savoir. Un grand bonheur pour lui de lire cet auteur ! 

Chantal a lu Clamser à Tataouine, premier roman de Raphaël Quenard, un merveilleux comédien devenu écrivain. Dans un mélange savoureux de drame, de comédie et de cynisme, il suit la vie macabre d’un psychopathe en quête de vengeance contre la société, qui va de crime en crime. Le langage peut être tour à tour très châtié ou très fleuri. Le narrateur est un loser en bout de course qui n’a plus goût à rien. Il n’est pas loin d’en finir lorsqu’il décide finalement de faire payer à la société les raisons de sa mise à l’écart. Il va tout simplement tuer une figure qui représente pour lui une classe sociale donnée. Chantal nous recommande chaudement de voir les films dans lesquels a joué le comédien, en particulier « Chien de la casse ». Elle tient à remercier Jeanine qui nous a souvent parlé de Caryl Ferey, et elle a donc découvert cet auteur à travers son livre Mapuche. L’écrivain y raconte l’histoire de Jana, une mapuche, et de Rubén un détective privé, rescapé de la dictature Argentine, qui enquête sur les disparus du régime de Videla entre 1976 et 1983. L’auteur dépeint les nombreuses arrestations, enlèvements, tortures et assassinats (organisés) des opposants politiques. Il expose le combat des « Grands-mères de la place de Mai ». Ces femmes protestent depuis 40 ans pour retrouver et rendre aux familles les enfants qui leur ont été volés lors de la dictature militaire. Parfois Chantal, qui pourtant affirme pouvoir tout lire, a dû s’interrompre, tellement c’est bouleversant. C’est très documenté et très intéressant.

Christine, fait rarissime, n’a pas de livres à nous présenter. 

Nous passons donc à Jeanine qui s’est lancée dans la saga Les sept sœurs, elle en est au troisième, mais nous en a déjà parlé la dernière fois. Elle a donc puisé dans sa bibliothèque deux livres sur les chats. Sa petite minette s’est fait écraser devant chez elle il y a quelques jours, c’est donc une façon de lui rendre hommage. L’art d’être chat : 24 très riches heures de ma vie. Intellectuel raffiné et conseiller éditorial chez Officina Libraria, le chat Padamu a accepté de dévoiler l'ordinaire de l'une de ses journées, exemplaire... Il s'est laissé portraituré sur le vif, heure par heure, et saisir par le crayon mordant de Jack Tow. Des dessins magnifiques avec juste quelques mots en légende, par exemple « L'empreinte de mes pattes sur ton dessin... Il faut savoir apprécier mon art ». Au-revoir les chats de Hiro Arikawa nous embarque, au fil de sept contes drolatiques et touchants sur les chats, dans un nouveau périple pittoresque et émouvant à travers le Japon. C’est magnifiquement écrit, et Jeanine a adoré la couverture.

Quant à Martine, elle préfère lire des choses plus légère dans le contexte actuel. Elle a donc lu Jules, dont Fabienne nous avait parlé la dernière fois, et a passé un bon moment. Elle a lu également lu l’avant-dernier livre de David Foenkinos, La vie heureuse, dont Armelle nous avait parlé en avril 2024. Un roman dans lequel l’auteur explore la mise en scène de sa propre mort comme promesse de se réinventer, une histoire singulière entre la France et la Corée, un roman réjouissant qui fait écho à nos questionnements contemporains. « Jamais aucune époque n'a autant été marquée par le désir de changer de vie. Nous voulons tous, à un moment de notre existence, être un autre.» Ça peut paraître assez convenu, mais on se laisse porter par ce roman qui fait du bien. 

Cédric a apporté un livre lu il y a quelques mois, qui aborde un sujet délicat, Le consentement de Vanessa Springora. Il y est question d’un célèbre romancier, qui a sévi auprès de petites filles, et qui n’est toujours pas jugé. L’auteur analyse dans ce livre ce qui a pu faire d’elle une proie : son besoin éperdu d’amour venant d’une figure paternelle, la permissivité des années 1970 et 1980 eu égard aux relations avec des mineurs, son admiration et celle de sa mère pour le monde des livres et pour leurs auteurs. Cédric est particulièrement sensible à ce sujet, puisqu’il s’occupe de jeunes en difficulté, et il trouve que les parents ne sont pas assez vigilants. Plus de trente ans après les faits, Vanessa Springora dépeint un processus de manipulation psychique implacable et l’ambiguïté effrayante dans laquelle est placée la victime consentante, amoureuse. Mais au-delà de son histoire individuelle, elle questionne aussi les dérives d’une époque, et la complaisance d’un milieu aveuglé par le talent et la célébrité.

Fabienne a continué à lire Didier Van Cauwelaert et plus particulièrement L’enfant qui sauva la terre. Thomas, un jeune garçon atteint d’une maladie incurable, se prépare à affronter l’inéluctable, quand il se voit proposer un choix inattendu par un clown d’hôpital. En rejoignant un groupe d’enfants confrontés au même sort, il pourra peut-être prolonger sa vie, à condition d’aider à sauver la planète. Ce pari fou va bouleverser la vie de Thomas. Il va découvrir un monde qu’il ignorait, prendre conscience des fléaux qui menacent notre planète et développer des capacités insoupçonnées en exerçant sa pensée. Au fil de son aventure, il va comprendre que son sort est lié à celui de la planète. En luttant pour sauver la Terre, il lutte aussi pour sa propre survie, un récit à la fois émouvant et porteur d’espoir. Ça aborde plusieurs sujets, l’influence du mental sur le corps, les problèmes de la Terre, c’est bien écrit, Fabienne ne nous en dira pas plus, à nous de le lire…

Enfin je termine cette soirée avec un livre que j’ai acheté et lu avant d’aller aux « Livres dans la boucle ». J’ai donc pu en discuter avec l’auteur Thibault Daelman dont c’est le premier roman. L’entroubli, récit totalement autobiographique, raconte son enfance parisienne confrontée à la précarité, la solitude et la honte, entre une mère dévouée, parfois dépassée et excessive, un père alcoolique et inexistant, et une fratrie de cinq frères. Un récit personnel dans lequel on sent tout le poids social et le désir de s’en émanciper par l’écriture. L’Entroubli raconte une vie d’enfant, depuis ses premières années à sa majorité : la découverte de l’amitié et de la littérature qui sauve de l’oubli, du désastre. Un roman poignant, dont l’auteur a fait une lecture de mémoire durant cinquante minutes, une vraie performance ! Un écrivain dont on reparlera…

Le prochain Café littéraire aura lieu le Mercredi 26 novembre à 19h.